-
Lettre ouverte aux élus...
Lettre ouverte aux élus de l’entreprise
Article* paru dans le blog syndical en septembre 2011.
Bienvenue sur RLP, "Radio Langue de Lutte", la radio qui se fait l'écho des revendications des salariés du réseau.
Vous avez été vifs à commenter les derniers posts de cette semaine, mais de manière contradictoire.
Mes brèves et mes billets suscitent chez certains d'entre vous une réaction épidermique que nos british voisins expriment d'un "so shocking!"
Bref, ça en choque plus d'un. Tant mieux, serais-je tenté de dire, car c'est le but : provoquer pour faire bouger les choses. Mais je vous dois quand même une explication, car je suis quant à moi, choqué que vous soyez choqués. Mais je peux comprendre...
Ce que je peux en effet comprendre, c'est que vous ayez peur, comme deux délégués me l'ont clairement dit. Peur de perdre votre boulot (lequel suffit à peine à vous faire vivre) ; peur de vous retrouver au chômage (dont le RSA est l'ultime infamie) ; peur d'être rejeté du noble monde du travail (ah ! le regard des autres...) même s'il n'y a pas de salut que dans la servitude, quand bien on n'a pas l'âme d'un entrepreneur... Figurez-vous que je sais, en long, en large et en travers, ce que c'est que de "toucher le fond, après avoir connu des sommets". C'est l'apanage des anciens, que voulez-vous. Ils ont tout connu : grandeur et décadence. Et alors ? Justement.
Je peux aussi comprendre et accepter que vous ne soyez pas du tout d'accord avec mes idées. Ca ne m'empêchera jamais de vous défendre si on vous empêche d'exprimer les vôtres. C'est ce que j'ai toujours dit en vous invitant régulièrement à vous exprimer dans ce blog syndical, quel que soit votre bord, du moment que le contrat démocratique est respecté. Avec votre ton, votre style, votre envie. Las ! Personne ne s'est jamais proposée. La peur, toujours...
Si bien que depuis six mois qu'existe ce blog syndical, il n'y a pas un mot, pas une virgule qui ne soit de moi. J'ai tout écrit, pendant mes weekends, le soir, sur mon temps libre. Aucun autre délégué ne s’est proposé. Le seul à lyncher, c'est donc moi. Du coup, je suis le seul à (pouvoir, vouloir ?) dire les choses. Et ce n'est pas bien. Si je monopolise ce site, c'est par défaut. Alors, je veux bien reprendre mon bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole et déclencher les foudres de Dieu le père, comme je peux, seul, à ma manière...
Mais qu'il y en ait parmi vous qui me reprochent ma liberté de ton, parce que d'une part, elle heurte la bonne pensance consensuelle, dont la vôtre – les grands élus de la république immobilière – voilà qui passe mal et contrarie ma conception de la liberté d'expression et du combat social.
Tout d'abord, je ne crois pas me tromper en pensant que, si j'ai été élu pour représenter les salariés, ce n'est pas pour me coucher devant l'employeur dès qu'il élève la voix mais au contraire pour faire entendre la mienne et celle de mes confrères. Du moins le crois-je. Certes, je le fais de manière insolente, car c'est mon style, ma façon de dire les choses pour qu'elles évoluent. Ce n'est pas moi qui ai inventé le genre ; ça fait longtemps qu'il accompagne les luttes sociales. Mais j'ai l'impression que ça vous secoue davantage que ça ne dérange l'employeur... Et avouer avoir peur du lendemain alors qu'on a choisi d'être délégué du personnel (salarié protégé, je vous rappelle) justement pour préserver les lendemains de nos collègues, je ne pense pas que ce soit ce qu'ils souhaitent entendre après nous avoir mandatés... Nous ne recevrons pas d'ovations de leur part, toujours des critiques, on le sait, car la mission est ingrate. C'est comme ça, il faut l'accepter, mais de grâce, sans en rajouter, s'il vous plaît ! Je peux à la limite l'accepter de la part d'un "jaune" comme on dit dans le jargon syndical ; car il représente moins le personnel que la Direction, quand il n'est pas tout simplement Représentant personnel – de ses propres intérêts...
Que les choses soient claires : je suis tout comme vous libre de m'exprimer dans le respect de la loi (et non d'une morale à deux sous). Quand je n'aime pas un programme à la télé, je ne pousse pas des cris d'orfraie - je zappe. Et quand j'ai besoin de courage, il me suffit d'entendre Stéphane Hessel ** (ancien combattant de la France libre, déporté à Buchenwald, co-auteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme à l'ONU) me rappeler du haut de ses 94 hivers courageux qu'il ne faut jamais oublier de "s'indigner" contre la mainmise insidieuse des puissants sur nos droits élémentaires à la vie et au bonheur – même au plus petit niveau, car il fait le ruisseau du fleuve qui nous emportera un jour... La vie n'a de sens que de contribuer à la rendre meilleure.
Aussi, la prochaine fois, veuillez ne pas vous tromper de cible. Heureusement, quelques salarié(e)s m'ont confié en douce leur soutien sincère. Ce n'est pas beaucoup, c'est vrai, mais ces quelques gouttes de carburant suffisent à faire tourner mon turbo rebelle.
Pour conclure, je vous rappelle que la peur, la résignation et le repli sur soi conduisent assurément au chaos et à la misère. Nous n'avons d'autre choix pour nous en sortir que d'être unis dans la réforme de cette société qui, sinon, n'a pas fini de nous broyer...
Bonne chance et bon courage à vous.
Java.
* Les noms ont été changés ou supprimés.
** Décédé le 26/02/2013.